Oups! La version de votre navigateur est obsolète. Elle ne vous permet plus une navigation optimisée et sécurisée.
Nous vous recommandons d'installer Google Chrome.
Clémence BORIN
Clémence Borin
Conseil littéraire
Suivi d'auteurs
06 07 34 26 18
Contactez-moi
Accompagnement littéraire

« Mais qui sera le maître, l’auteur ou le lecteur ? »

Par Clémence BORIN le 5 juin 2014 dans Non classé

Mais qui sera le maître, l’auteur ou le lecteur ?[1] 

Sondages, études et autres appels chiffrés à la population affirment que de plus en plus d’individus écrivent alors que l’on lirait de moins en moins de livres…

L’évident paradoxe inquiète. Les futurs auteurs seraient-ils condamnés à manquer de lecteurs ? Que penser de ce nouvel état de fait ?

Si pour Italo Calvino, la lecture s’inscrit comme un voyage à la « rencontre d’une chose qui va exister », qu’en est-il plus largement de ce singulier mouvement de l’esprit ?

Si nous regardons un peu plus loin que le bout de notre nez, nous nous rendons compte que la lecture est partout. Nous lisons sans cesse : des livres, mais aussi la carte des étoiles dans le ciel, la stratégie de notre adversaire qui s’imprime dans ses yeux, les cris de l’enfant pour comprendre ses besoins, la voix de celui qui nous parle pour décrypter ses sentiments, le corps de l’être aimé sous nos caresses, le ciel pour présager du temps à venir, l’histoire passée pour mieux entendre l’avenir… La liste est sans fin. Qu’est-ce que lire sinon déchiffrer des signes pour tenter de saisir et de comprendre le monde qui nous entoure ? Et alors, comment habiter le monde sans cette capacité à lire ?

Si certaines sociétés se sont développées sans le recours à l’écriture, la lecture demeure indispensable à toute existence humaine. Lire s’avère, comme l’affirme Alberto Manguel, « une fonction aussi essentielle que respirer ».

Comment envisager alors d’écrire sans lire ? De proposer une vision du monde sans avoir préalablement saisi ou tenté de saisir ce dernier ? Et plus précisément, comment imaginer écrire sans connaître rien de l’histoire (littéraire, des idées, etc.) dans laquelle s’inscrit cette écriture ? Ne reste qu’un pas jusqu’à la question suivante : Peut-on écrire sans avoir rien lu, et cela aurait-il un sens ?

Et plus généralement, lire n’est-ce pas dans la démarche de l’écrivain – ou de l’écrivant pour utiliser un terme en vogue – un passage indispensable ? N’est-ce pas là qu’il éprouve pour la première fois sa capacité à créer un univers singulier qui lui appartient à lui seul, où il se trouve totalement libre. Qui sait ce qui se passe dans la tête de celui qui bouquine ?

Si écrire, c’est comme le disait Döblin « adoucir la réalité en la rendant plus transparente », si la littérature est là pour éclairer, induire des remises en question, saisir la réalité par le langage en la reconstituant grâce à l’imagination, lire n’est-il pas le meilleur entraînement possible ?

Mais encore faut-il que nous demeurions capables de nous imposer en tant que « lecteurs créateurs » et non en tant que « voyeurs passifs », comme le souligne Alberto Manguel dans Nouvel éloge de la folie. Si comme il le constate, pour le lecteur sur ordinateur qui « surfe » sur le web, « le texte n’existe que comme une surface qu’on survole », il importe sans doute de redevenir ou de rester des « lecteurs compétents » et de ne pas oublier que lire « ne consiste pas seulement à avoir un texte à sa disposition ou à faire une collecte d’information, mais à pénétrer dans le labyrinthe des mots ».

Alors nous découvrirons peut-être que d’un labyrinthe à l’autre, les codes se ressemblent, et s’assemblent.

Sources :

Une histoire de la lecture, Alberto Manguel, Actes Sud, 1998.

La cité des mots, Alberto Manguel, Actes Sud, 2009.

[1] P.N. Furbank, Diderot, 1992.

PartagerShare on Facebook0Tweet about this on TwitterShare on LinkedIn0Share on Google+0Pin on Pinterest0Email this to someone