Atelier d’écriture n°1 : Dix mots pour la francophonie ! TEXTE de Madeleine Melquiond
Extinction du fou
Un fou n’est pas plus fou qu’un nègre n’est nègre. Par décence, on dit du nègre qu’il est noir et du fou qu’il est malade mental. Bref, il n’y a plus de fous, sauf dans les dictionnaires.
Les pédants les désignent par leurs symptômes, une kyrielle de mots huluberlus tels que phobie, schizophrénie, paranoïa, obsession, hystérie, supposés plus respectueux de l’individu que cette vielle insulte de fou. Qu’en pense le fou ? « Fariboles » se dit-il, car le fou sait qu’il est fou de quelque nom qu’on l’appelle. Vous l’imaginez, se jetant du 23ème étage en criant « SOS, je suis bipolaire, je veux remonter ! »
Loin de ces abysses, nous disposons de folies douces à tire-larigot. Timbré, idiot, dérangé, déséquilibré, désaxé, braque, toc toc, piqué, fada, zinzin, perché , barré, à chacun son petit grain. Même fou, mécontent de sa mise à l’index nous revient en fraude sous la forme de ouf !
Si nous refusons de traiter un fou de fou, nous adorons faire les fous. Nous organisons de folles soirées et de folles nuits, des tohu-bohus, des charivaris et des carnavals où les jeunes gens tentent d’ambiancer les filles. On appelle misanthropes ceux qui détestent ces manifestations et vivent enfermés dans leur bibliothèque où ils s’enlivrent de façon parfois si excessive qu’on se demande s’ils sont sages ou fols.
Madeleine Melquiond, mars 2014.